Philippe Frémeaux
Alternatives Economiques n° 305 - septembre 2011
Alternatives Economiques n° 305 - septembre 2011
Les industriels sont aujourd’hui accusés de raccourcir la vie des
produits pour en augmenter la consommation. Qu’en est-il vraiment ?
Une idée hante le monde écolo : les produits industriels seraient
conçus de manière à s’user prématurément. Cette “ obsolescence
programmée ”, destinée à vendre plus pour gagner plus, serait à
l’origine d’un gigantesque gâchis de ressources. En fait, l’optimisation
de plus en plus poussée des produits par les industriels au cours des
dernières décennies a plutôt eu pour effet de limiter le gaspillage de
matières premières et d’énergie. Le gâchis est pourtant bien réel, en
raison de la baisse spectaculaire du prix des produits industriels qui
facilite leur renouvellement accéléré.
La durée de vie et la fiabilité des produits industriels dépendent
d’abord de l’usage qui en sera fait. Quand un constructeur automobile
achète une ligne d’usinage automatisée, il en attend qu’elle résiste à
un usage intensif et prolongé. Le prix est évidemment un critère de
choix, mais il vient bien après la certitude que le produit respectera
les performances attendues. Quand un arrêt machine prolongé peut coûter
des centaines de milliers d’euros, l’exigence numéro un concerne la
disponibilité. Le même raisonnement vaut pour les composants et les
biens intermédiaires intégrés dans les équipements : le fabricant de la
ligne d’usinage exigera une qualité totale de ses fournisseurs de
roulements à bille, moteurs électriques, réducteurs ou encore automates
programmables.
Certes, tout ne fonctionne pas toujours comme cela devrait, mais
l’idée même d’obsolescence programmée apparaît comme une insulte au
travail des millions d’ingénieurs, techniciens et ouvriers qui
s’efforcent chaque jour d’atteindre le zéro défaut, la qualité totale,
tout en offrant des produits ayant le meilleur rapport qualité-prix.
Durabilité renforcée
Les biens de consommation, dans l’ensemble, n’ont cependant pas la
même fiabilité ni la même durabilité que les biens d’équipement. Pour
des raisons qui tiennent d’abord à leur mode d’usage. Alors que les
avions sont conçus pour voler quinze heures par jour, que les camions
roulent plusieurs centaines de milliers de kilomètres par an, un ménage
fait en moyenne 13 000 kilomètres par an avec sa voiture. La majorité
des constructeurs ne voient donc aucune raison de proposer des
véhicules aussi solides qu’un camion, qui seraient bien plus coûteux à
fabriquer : si les taxis ont longtemps plébiscité les Mercedes en
raison de leur fiabilité plus grande, c’est qu’ils étaient prêts à
payer un prix plus élevé en raison de l’usage intensif qu’ils font de
leur véhicule. De même, les machines à laver qu’on trouve dans les
lavomatic ou dans les sous-sols des immeubles américains [1] sont plus robustes - mais aussi bien plus chères - que les machines qui équipent nos foyers.
filipekfotoShoot
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